Dressons le décor: cela se passe à Morschwiller-le-Bas, village sundgauvien dans la banlieue ouest de Mulhouse, le 14 février 1871. Après la guerre de 1870, Paris capitule et le 17 janvier 1871 l’Armistice est signée à Versailles où BISMARCK proclame l’unité du Reich allemand.
A cette époque, dans la campagne alsacienne on parle le dialecte et on écrit en gothique d’où sera issue la Sütterlinschrift.
Ce 14 février une personne prend la plume et écrit à son frère, se trouvant en « vieille France ». Elle lui parle de la difficulté de lui envoyer de l’argent, faisant intervenir Madame BALDECK (qui travaille à la Fabrique) et Monsieur SCHAWANN. Ce dernier se rendra à Mulhouse pour envoyer la somme de 10 francs en question. L’auteur parle aussi d’un certain Joseph, se trouvant présentement à Lyon. Elle dit aussi que Jakob, frère de l’auteur et du destinataire, souhaite avoir l’adresse de ce dernier.
La lettre précise que le 8 février dernier les hommes ont dû voter (Assemblée Nationale) et que 11 hommes se sont présentés à Mulhouse. Elle ajoute wenn es jetzt nur Frieden gäb (si seulement on avait maintenant la paix).
Le scribe parle aussi des frais postaux et du risque que la lettre tombe entre les mains du Wilhelm (Guillaume II, le Kaiser Wilhelm), ce qui pourrait coûter cher !
Enfin celle qui écrit transmet les amitiés de ses père et mère et de sa soeur, et conclue en écrivant die Preussen haben auch Belfort noch nicht und ich glaube auch dasz das Elsas noch nicht preussich wird (les prussiens n’ont pas encore Belfort et je crois aussi que l’Alsace ne deviendra pas encore prussienne !)
Malheureusement on sait ce qu’il en adviendra ! Le 17 février 1871, trois jours après la lettre, Keller proteste à Bordeaux « contre la volonté du gouvernement français de « Lâcher » l’Alsace-Lorraine, « comme Alsacien et comme Français, contre un traité qui est… une injustice, un mensonge et un déshonneur » ». Voir ici ===>>>
Le 28 février 1871 la France signe les préliminaires de la paix en acceptant l’annexion de l’Alsace et d’une partie de la Moselle par le Reich.
Voici la copie intégrale de cette lettre