Lyoba mon Amour, chant de l’Armailli gruérien

Lyoba, vient du patois gruérien (La Gruyère, canton de Fribourg en Suisse) alyôbâ que l’on utilise pour appeler le bétail des haut pâturages pour la traite, mais que l’on retrouve également dans le mot de patois alémanique en Suisse Centrale Loobeli qui indique la vache. C’est un chant traditionnel a cappella chanté lors de l’inalpe (cf Poya) et de la désalpe. L’armalli dont on parle dans ce chante est un personnage important. Voici ce qu’en dit Wikipedia: « Le maître-armailli est employé ou fermier (amodiateur) de la commune ou d’un propriétaire. Il reste seul responsable de l’alpage, du cheptel des bâtiments et du matériel. Suivant sa position, il est propriétaire ou non des meules de fromages fabriquées pendant l’estive. Son apprenti est le garçon de chalet, le bouèbe. Le jeune armailli est le barlaté, qui est responsable du « train du chalet » à la montée et à la redescente et qui fait la navette entre le village et les pâturages: il amène chaque jour les fromages en plaine et ramène à l’alpage le pain, les nouvelles des familles, tout au long de leur séjour en altitude. Chacun des armaillis de l’équipe accomplit sa propre tâche : bergers, trayeurs ou trancheurs pour la transformation du lait, soit la fabrication journalière de fromage, de séré ou de beurre et du stockage du fruit (salage, puis séchage à l’air en cave). Tous portent le costume traditionnel, le bredzon avec le capet sur la tête, la canne à main (krochèta), en bandoulière le loyi servant à stocker le sel et le gras pour la traite. »
Le Ranz des Vaches

Le Ranz des Vaches, car tel est son nom, était chanté par les soldats (mercenaires) suisses qui avaient le mal du pays. Voici ce qu’en dit Jean-Jacques ROUSSEAU dans son Dictionnaire de la Musique paru en 1768:« J’ai ajouté dans la même Planche le célèbre Rans-des-Vaches, cet Air si chéri des Suisses qu’il fut défendu sous peine de mort de le jouer dans leurs Troupes, parce qu’il faisoit fondre en larmes, déserter ou mourir ceux qui l’entendoient, tant il excitoit en eux l’ardent desir de revoir leur pays. On chercheroit en vain dans cet Air les accens énergiques capables de produire de si étonnans effets. Ces effets, qui n’ont aucun lieu sur les étrangers, ne viennent que de l’habitude, des souvenirs, de mille circonstances qui, retracées par cet Air à ceux qui l’entendent, & leur rappellant leur pays, leurs anciens plaisirs, leur jeunesse & toutes leurs façons de vivre, excitent en eux une doute amere d’avoir perdu tout cela. La Musique alors n’agit point précisément comme Musique, mais comme signe mémoratif. Cet Air, quoique toujours le même, ne produit. plus aujourd’hui les mêmes effets qu’il produisoit ci-devant sur les Suisses ; parce qu’ayant perdu le goût de leur premiere simplicité, ils ne la regrettent plus quand on la leur rappelle. Tant il est vrai que ce n’est pas dans leur action physique qu’il faut chercher les plus grands effets des Sons sur le cœur humain »

Bernard ROMANENS
Bernard ROMANENS naquit en 1947 à Marsens (Suisse, Canton de Fribourg) dans une famille de six garçons dont il était l’aîné. Dans la famille tout le monde chantait. Voici ce qu’en dit le quotidien La Gruyère dans son article du 1er février 2014 à lire ici ===>>>:

Enfant déjà, il était doué pour le chant. Tous ses copains voulaient être dans son groupe pour le 1er mai. Au village, les gens l’attendaient. S’il loupait une maison, les habitants téléphonaient chez nous et il devait s’y rendre le lendemain!» se rappelle son frère Jean-Marie. A 16 ans, Bernard Romanens intègre la chorale de Marsens. Il renforce ensuite les rangs du Chœur des armaillis de la Gruyère et de la Chanson du pays de Gruyère. «Il avait une magnifique voix de ténor. Sa façon de chanter était très émouvante», décrit Michel Corpataux, directeur des deux formations.
En 1976, Jean-Marie Romanens vient chercher son frère à l’alpage, au col de Jaman, pour l’emmener à Corcelles-le-Jorat chez Jean Balissat, alors directeur de la Landwehr. Bernard Romanens y passe une audition qui va changer le cours de sa vie. «Il a beaucoup hésité à y aller, raconte son frère. Il disait que ce n’était pas pour lui. Lorsqu’il a vu la masse de véhicules stationnés devant la maison, il m’a dit de faire demi-tour. Mais je l’ai encouragé à se présenter. Il fallait juste quelqu’un pour le motiver.» Le jour même, le Gruérien apprend qu’il sera l’un des solistes de la Fête des vignerons à venir.
La gloire à Vevey et la fin tragique de l’armailli

Mais la gloire soudaine de Bernard ROMANENS, après sa formidable prestation lors de la 10ème Fête des Vignerons de Vevey, en 1977 et son importante médiatisation (il fut ensuite invité à chanter en Chine en 1980), vont finalement lui être fatale. Il sera retrouvé mort en 1984 dans la laiterie de Villarimbou (village du canton de Fribourg en Suisse), quatre mois avant la naissance de sa fille Marie-Hélène. Voir ici la légende d’un soliste vrai. La Fête des Vignerons de Vevey est organisée depuis 1797 par la Confrérie des Vignerons de Vevey, et commémorée une fois par génération. Sollicité pour celle de 1977, alors âgé de 30 ans, Bernard ROMANENS y chanta le Ranz des Vaches avec sa voie puissante qui « prit aux tripes » la foule immense. Une très belle vidéo nous relate ce moment magique. A voir et écouter ici ===>>>

Vevey 2019 la fête continue

Cette année, du 18 juillet au 11 août, aura lieu la 12ème Fête des Vignerons à Vevey (voir ici ===>). En hommage à Bernard ROMANENS, c’est son frère José ROMANENS qui chantera le célèbre Lyoba au sein d’un choeur de onze ténors. Voir l’article et les photos de L’Illustré ici ===>. Pour tout savoir sur cet évènement on peut consulter le site dédié à cette manifestation ici ===>. On trouvera ici sur ce blog les paroles complètes, en patois et en traduction française, des 19 strophes du Lyoba ===>>>. Et enfin, quatre versions: celle des Armallis de La Roche à écouter ici ==> , celle de la montée aux alpages à Verriere-de-Joux par ici ===> , celle de I Muvrini (polyphonie Corse) au Paléo Festival de Nyon en 2017 par là ===> et pour finir celle de Bernard ROMANENS par là ===> .
Une réflexion sur “Lyoba mon Amour”