Quatre reçus en Haute Savoie

Des timbres humides à identifier

Notre premier document, daté de 1753, a été rédigé sur un papier timbré par deux cachet humides. Le premier GAB GEN UN SOL avec deux blasons incitait à penser qu’il s’agissait d’une contribution fiscal (GABelle GENérale). Le second, rond, comportait un blason écartelé que je lisais comme suit : écartelé aux 1 et 4 à la tour ouverte et ajourée, aux 2 et 3 au lion rampant, sur le tout 3 fleurs de lys. Tout ce que m’apprenait la lecture du document était sa localisation à La Combaz, en Haute-Savoie (commune de Combloux au canton de Sallanches). Pour tenter d’en savoir plus je faisais appel au groupe Faceboock « Héraldique française ». Rapidement une internaute m’identifia la partie gauche du double blason comme étant celui du Royaume de Piémont-Sardaigne, ce qui pouvait effectivement correspondre à la Savoie de cette époque. D’autant qu’en cherchant un peu la partie droite de ce double blason s’avérait être l’ancien blason de Savoie.

Quant au blason rond de droite, toujours grâce au même groupe, j’apprenais par des spécialistes qu’il s’agissait des armes du royaume d’Espagne. Castille et Leon avec les trois fleurs de lys des bourbons. Mais que venait faire le Royaume d’Espagne sur mon document ? La suite de ma recherche me fit découvrir sur Le Site du Collectionneur une page comportant le Catalogue des Cachets Fiscaux et Papiers Timbrés de la Gabelle de Savoie de 1697 à 1860. Et là le bonheur: mes deux timbres humides y figuraient ainsi que toutes les explication sur l’emploi de ces timbres fiscaux. 


Le fief de Cordon

Voilà ce que nous dit la première partir de notre document: Du quatorze mars 1753 avons receu de jean marin a feu andre ramus censier de la veuve de marin joseph flandin la prise de mille sept cent cinquante deux pour fief de cordon au meydon. L’an et jour que dessus. Signé: Rey et Jouanne de la Tour

Nous avons localisé Meydon, aujourd’hui Médon, hameau de la Combaz-Combloux. Quant au fief de Cordon son histoire a été relatée et mérite d’être recopiée ici : Dès l’an 1100, l’histoire de Cordon se confond un peu avec celle de Sallanches, tant sur le plan matériel que spirituel. Comme souvent au Moyen Âge, la population vit au rythme du château. La vie locale ne s’est pas développée autour de celui-ci car il était construit entre deux torrents très encaissés, mais en amont sur des pentes plus douces. Ni paroisse, ni ville de franchise, Cordon constituait cependant une communauté d’habitants étagée sur les pentes dominant Sallanches dont les seigneurs successifs du Faucigny tirent leurs revenus. En 1178, Sallanches avec le Château de Cordon était déjà un lieu de passage important. Ses députés tiennent rang aux états généraux de Savoie. Les Faucigny avaient l’habitude de résider en dehors du bourg qu’ils détenaient comme à Chatillon sur Cluses. En 1224, on voit que des droits d’aigage et de moulin sur le nant de la Croix, appartiennent au « Du Chastel » (Cordon) et aux « Chissé » (St Roch). D’après les divers actes, on peut constater qu’il y avait plusieurs familles de nobles ayant des possessions au Chastel : les Chissé, de la Frasse, de la Porte, et d’autres encore mais surtout à l’origine les Du Chastel. Mais ce n’est pas un vrai bourg : c’est seulement un lieu enclos d’un château avec une église paroissiale dépendant à l’origine directement du seigneur du Château.

Le Château de Cordon était le centre de la Châtellenie de Sallanches avant le rattachement du Faucigny à la Savoie en 1335. Malgré son importance féodale, il n’est pas devenu un vrai bourg à cause de sa situation isolée. Les Menthon de Montrottier et de Bourbonges feront de nombreux dons au chapitre de Sallanches. Ils fonderont des chapelles à Notre-Dame du Château. Nombreux seront enterrés là. Ils achèteront peu à peu tous les terrains autour de l’église. Le Château est appelé « Bourbonges » du nom de ses propriétaires en 1457. Le peuple lui, très pauvre, vivait de l’élevage et de la terre. Les Menthon auront cette seigneurie jusqu’en 1746. Ils se dessaisiront de tous leurs biens de Cordon-Bourbonges au profit de Joachim de la Grange de Taninges qui lui vendra, en 1769. En 1348, la peste décima presque la moitié de la population, il reste alors 80 feux. Avant son annexion à la Savoie, la population de Cordon se situe autour de 140 feux. Si Cordon n’a pas, à l’époque d’organisation communale, elle a une forte personnalité juridique défendant ses droits avec vigueur contre les communes voisines. En 1606, François de Sales, personnage important et populaire en Savoie, rend visite à Cordon. Il constate que les conditions de vie sont des plus précaires. La terre rend peu, les épidémies sont redoutables et les hivers rigoureux. Vivant en économie fermée de l’élevage et de la terre, les Cordonnants exploitent tous les alpages de la commune, d’où des mouvements de la population selon les saisons été – hiver Le Château de Cordon avec son église est un exemple intéressant de position seigneuriale. Dans son enceinte sont venues se regrouper les familles nobles du pays. En 1700, Combloux et Cordon, sauf Bourbonges, sont démembrés de Sallanches pour constituer un marquisat, crée par Victor-Amédée II, en faveur de Philibert Sallier de la Tour. En 1750, Cordon a un syndic et 4 conseillers sous la tutelle du Notaire Royal de Sallanches.

Cordon ne devient une véritable entité paroissiale qu’avec la construction de l’église en 1781 au chef-lieu actuel. C’est une communauté religieuse et civique qui, en 1786, élisait déjà un régent des petites écoles. Elle dépend néanmoins de Sallanches pour le commerce et l’administration. L’acensement de la dîme de Cordon en 1785, est fait pour le versement de 100 octanes de blé et 26 octanes d’orge et 2 écus d’épingles. L’affranchissement fut passé pour un capital de 7.100 livres et un revenu de 284 Livres (Histoire de la Collégiale de Sallanches). A peine construite, l’église subira les ravages de la révolution : le clocher a été rasé. Le premier curé Marin-Joseph Pissard a dû s’expatrier en Piémont mais il est revenu clandestinement très rapidement et une messe a été dite sur la pierre « Madeleine » de Rochefort pour tous les habitants des villages voisins au moment de la « terreur ». Puis c’est l’Abbé Ducrey qui est pourchassé et se cache dans une cave de Cordon (aux Combes, chez Colette Bottollier Curtret en 2008). Le rattachement de la Savoie à la France en 1860, ne change pas grand chose aux habitudes d’alors et Cordon restera tel qu’il est jusqu’à la fin de la 2ème guerre mondiale. C’est la construction de la route en 1954 qui lui ouvre le tourisme et transforme son économie pour en faire une « station-village » qui a su garder une harmonie entre culture, élevage, hôtellerie, tourisme d’été et d’hiver. Source: PDF en ligne


Le château de Sallanches

Le fief de Cordon possédait son château appelé château de Sallanches et situé à Cordon. Ce château a fait l’objet d’une belle étude, thèse à lire ici ===> et qui nous apprend qu’il appartenait à la famille De MENTHON dès le XVème siècle, famille qui sera mentionnée plus loin. On peut y lire: Le site ne conserve aujourd’hui plus grand-chose de sa morphologie médiévale et moderne (doc. 101). Une ferme a été bâtie au XIXe siècle à l’emplacement de l’église Notre-Dame et de son cimetière, tandis que la route, qui longeait encore l’église en 1730, a été remplacée par un virage en lacet. Du château lui-même subsistent un grand logis approximativement carré et un petit bâtiment, lequel surplombe le ravin de la Sallanches. Louis Blondel a pu en proposer un plan par recoupement entre la mappe sarde de 1730 et ses propres observations.


Les censitaires et les fermiers

Les trois reçu sont établis au profit des censitaires par les fermiers du fief. pour l’année 1752 c’est Jean Marin RAMUS le fils de défunt André RAMUS qui vers le cens à la veuve de Marin Joseph FLANDIN. Jean Marin RAMUS, paysan, était né à Combloux en 1723 où il décèdera en 1810. Quant à Marin Joseph FLANDIN natif du même Combloux en 1691 il était mort en 1759, et sa veuve, Marie SOQUET, lui survira jusqu’en 1787. Le prix de ce cens n’est pas indiqué.

Pour le cens de 1755 y compris les arréages des années précédentes, Jean Marin RAMPUS a versé à la veuve FLANDIN de la Combaz un cens en argent (1 sol de 2 deniers), en orge 9 picots et 3 sous-multiples, en avoine 7 picots sous-multiples.
Toujours sur notre premier reçu, pour les années 1754 et 1755 par la veuve DUCLOS de Jean Marin RAMUS pour le bien de a veuve de Marin Joseph FLANDIN une redevance en argent et en avoine.


Le second reçu

Ce second petit document comporte la mention suivante: J’ai Reçu de Jean Marin Ramus pour le grangeage qu’il tien de la veuve de Joseph Marin Flandin trois quarts d’avoine un sol d’argent et c’est pour les prises de 1757. Ce 15 mars 1758. Signé Duclos


Et voici le troisième reçu

Je soussigné veuve Ducloz en qualité de fermière de monsieur de menton (seigneur De MENTHON propriétaire du château et du fief de Cordon) confesse avoir reçu de jean marin Ramus pour le grageage de Meydon de la veuve Flandin trois quarts d’avoine un sols d’argent paié la prise de 1756 ce 25 mars 1757. Signé: veuve ducloz


Et enfin le quatrième

Je sosigne confesse avoir reseu de jean marin ramus de la comba un notane davoine deux pico un sol six deniers pour la parcele de marin joseph flandin 1752 a Meydon le 7 janv(ier) 1754. Signé Mabbone (?) v(euv)e ducloz

La chapelle du Medonnet près du hameau de Médon à Combloux, voir notre article parus en janvier 2017 ici ===>

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